Je n’ai jamais compris les gens qui disent que la série des Resident Evil est terrifiante. Certains moments peuvent mettre mal à l’aise et deux ou trois jump scares font battre le cœur un peu plus vite, mais, parce que les histoires, les personnages et les situations y sont toujours vraiment stupides, aucun Resident Evil ne m’a jamais fait peur. Quand on voit tout ce foin autour du septième épisode, comme quoi il renouerait avec l’essence effrayante des premiers épisodes, on se demande si on a joué aux mêmes jeux que les autres. Ce qu’il a de vrai dans le fait qu’il soit un retour aux sources, c’est qu’il abandonne le côté jeu d’action bourrin des derniers épisodes pour revenir vers le genre des premiers, le survival horror. 

 

Assigné à résidences

La femme d’Ethan a disparu depuis trois ans, mais il sait maintenant où elle est grâce à un message qu’elle lui a envoyé. Elle lui demande néanmoins de ne pas venir, mais Ethan s’en fout. Il utilise sa plus grande logique pour se rendre en Louisiane, armé de sa lampe torche et de sa chemise. Il ne prévient quasi personne et il entre dans cette maison à l’abandon au fin fond du bayou en laissant son téléphone dans sa voiture. Bien sûr, ce qui devait arriver arriva, il est torturé de façon grotesque, diverses lames sont enfoncées plus ou moins violemment dans son corps et il se retrouve enfermé dans une maison, poursuivi par des psychopathes invincibles. Il fallait s’y attendre.

007c53 previewSi les jeux s’appellent Biohazard au Japon, ailleurs ils ont gardé le titre Resident Evil. Après des épisodes dans des stations de police, des trains ou des villages polono-espagnols, ce titre a enfin de nouveau un sens. Le jeu se passe la plupart du temps dans une suite de résidences tout ce qu’il y a de plus maléfique. Les points communs avec le premier jeu ne s’arrêtent pas là, le décor maisonnesque induit le même genre de level design et de progression. Des portes fermées par des clefs qu’on trouve en explorant d’autres pièces qui vont vers d’autres passages avec des énigmes simples qui nous permettent d’aller dans une nouvelle pièce, etc. Cette structure ne reste qu’une maline illusion de non-linéarité. Les portes inaccessibles ouvrent, une fois la bonne clef découverte, sur des pièces remplies de bonus. Un seul des passages disponibles conduit vers la suite de l’aventure. Imaginez un long chemin qui plutôt que d’être une ligne droite ressemblerait plus à un long spaghetti cuit tombé au sol pour qu’il se replie sur lui-même, un labyrinthe en trompe l’œil, une absence de choix réellement. Malgré tout, ce Resident Evil 7 sait être malin avec ses aller-retour et on ne s’ennuie jamais à parcourir les planchers grinçants de ses quelques maisons.

Pour ajouter un peu de variété, Ethan aime se détendre en regardant des cassettes vidéos. Elles vous placent dans la peau de différents personnages et ont un rôle dans les mécaniques du jeu au-delà de l’apport en éléments de background. Elles permettent de visiter des endroits avant d’y aller avec le héros et nous donnent des indices quant aux obstacles à venir et aux énigmes à résoudre. Notamment grâce à ce gimmick, la structure du jeu est maîtrisée et il y a un réel plaisir à parcourir les moindres recoins de ces baraques entourées de marécages. D’autant plus qu’il faut scruter le moindre tiroir. Resident Evil est un Survival Horror, et ça implique des ressources limitées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

t%C3%A9l%C3%A9charg%C3%A9 18

 

Un jeu tout moisi

Optimisation à la japonaise
Au-delà de quelques problèmes de textures un peu dégueulasses et le fait que le moteur ne soit pas vraiment fait pour modéliser les environnements extérieurs, le jeu est magnifique et très fluide. J’ai eu du 60 fps quasi constant (seulement deux courts moments où je suis tombé à 45/50) en 1440p avec une R390x, tout en ultra ou presque. Les options graphiques sont d’ailleurs assez généreuses. En bref, un jeu à mettre sur la liste des ports réussis. J’en profite pour rajouter ici que les voix françaises sont dignes d’un épisode de la saison 4 de Sous Le Soleil (la moins bonne).

Des armes, de quoi les recharger, de quoi se soigner et les divers objets nécessaires à la résolution d’énigmes, Ethan va devoir jongler avec son inventaire et les boites magiques qu’on trouve un peu partout dans le jeu (magiques parce qu’elles sont toutes connectées entre elles) pour s’en sortir. L’espace est très restreint et il faut souvent faire des choix, pas seulement sur ce qu’il faut garder, mais aussi sur ce qu’il faut utiliser. Les munitions et les potions de soin sont en nombres réduit, et même si un système d’artisanat sommaire permet de choisir comment utiliser ses ressources, vous êtes toujours censé être au bord de l’absence totale de moyen de vous défendre. Je dis censé parce que dans les faits ce n’est pas le cas. J’ai fini le jeu en tuant absolument tous les ennemis ou presque et il me restait des centaines de balles. Je ne sais pas si je suis plus doué que le joueur moyen ou si c’est une volonté des développeurs, mais il reste que pour une vraie expérience de survie, il faut finir le jeu une première fois (ou l’avoir précommandé), pour que le mode Madhouse soit accessible (voir encadré).

Je parle de mécanique, de système de jeu, de structure, mais je n’ai pas encore parlé des combats, du feeling des armes, de l’impact des balles sur la peau des ennemis. Là encore, ce Resident Evil 7 se rapproche des premiers, dans le sens où les armes n’ont pas de punch, en dehors des fusils à pompe. Les pistolets ou la mitraillette rencontrent des murs qui ne vont faire que reculer les ennemis de façon scriptée après un nombre prédéfini de headshots. Le lance-grenade fait boom pfuit et brûle, mais en face il n’y a pas de réactions. C’est un défaut, certes, mais il est explicable, justifiable et il se transforme même parfois en qualité.

Quand on affronte des zombies ou ce genre 007c58 previewde créatures sans âme (dans cet épisode ils s’appellent les molded, mycomorphes en français, des monstres en moisissures noirâtres) le fait qu’ils ne semblent pas craindre les balles ajoute de la tension au moment. On se demande quand la chose en face va tomber et on se demande s’il vaut mieux faire demi-tour et partir en courant (Ethan est un mauvais marcheur à reculons) ou tirer une dernière fois avec l’espoir d’abattre l’adversaire. Alors certes c’est justifié, mais c’est ennuyeux et ça ne procure pas de sensations, surtout quand on comprend que les munitions ne sont pas si rares, que la plupart des ennemis meurent vite et que de toute façon ils ne posent aucun problème, vu qu’on peut bloquer leurs attaques en mettant nos mains devant notre visage. Tout ça concerne donc les mycomorphes, ennemis basiques du jeu. Mais contre vous il y a surtout les Bakers, la famille de psychopathes habitant les lieux. Contre vous il y a Jack.

Jack l’éponge humanoïde

Les proprios des maisons dans lesquelles vous cherchez votre femme sont l’attraction principale de Resident Evil 7. J’ai presque envie de dire le proprio, le père de famille, Jack, tant il est au-dessus des autres. L’absence totale de réaction face à vos tirs est là un vrai point fort. Vous lui logez des dizaines de balles dans l’œil gauche et il continue à avancer en souriant, il vous indique même que c’est inutile. Jack s’en fout de toute façon, il est immortel, il fait son petit bonhomme de chemin à travers les corps en charpie, les murs et votre esprit. La deuxième séquence du jeu, là où il est votre ennemi principal est de loin la plus réussie. Les autres membres des Bakers sont bien plus anecdotiques, mais la joie sincère de Jack quand il vous détruit, son calme posé par son regard fixe, sa voix grave et paternelle font qu’il m’a vraiment marqué. Malheureusement, certaines des rencontres avec ce formidable adversaire souffrent d’une maladie qui ronge tout le jeu : la scriptite aiguë.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

t%C3%A9l%C3%A9charg%C3%A9 19

 

Beaucoup des interactions avec les ennemis du jeu sont scriptées. Ils apparaissent toujours aux mêmes moments, réagissent de la même façon aux actions du héros, ils vous attrapent et cassent le sol, des monstres apparaissent après avoir fait telle action, un jump-scare est prévu là, là et là, le dernier boss n’est qu’une succession de scripts. Tout le jeu semble engoncé dans un moule prévu par les développeurs. Pire encore, les actions des adversaires sont très limitées. Jack ne nous poursuit pas au-delà d’une certaine limite, Marguerite, la maman, ne se balade que dans deux pièces, les mycomorphes ne savent pas passer les portes, le champ de vision de tout le monde est catastrophique.

007c59 previewDe là deux choses découlent. Déjà, on se sent un peu trop spectateur, il n’y a pas de QTE à proprement parlé, mais on avance parce qu’on a fait les choses prévues par Capcom et subir telle interaction où ne peut quasiment rien faire. On doit se mettre la logique du jeu dans la tête et agir en conséquence. On sait que ces trois mycomorphes dans le hall d’entrée ne le quitteront pas, alors on les ignore complètement, on ne se bat pas nous même contre Marguerite lors de notre premier affrontement, on regarde juste Ethan le faire et on l’aide en appuyant un peu sur des boutons. D’un autre côté, ça permet à Capcom de mieux maîtriser sa mise en scène. C’est certes un peu flemmard, mais en réduisant la liberté du joueur, le rythme est meilleur, les échanges plus réalistes. Malheureusement, le jeu n’est pas très motivé pour aller au-delà des clichés du genre et la plupart des effets tombent un peu à plat, d’autant plus que ce qui se passe à l’écran n’a pas d’impact émotionnel ou presque.

C’est en faisant n’importe quoi…

Achetez nous un HTC Vive
Resident Evil n’est pour l’instant disponible en VR que sur Playstation 4, avec le PSVR donc, et d’après les retours l’expérience est fantastique et je veux bien le croire. La taille des ennemis impressionne, tous les moments où Ethan se fait charcuter sont d’autant plus traumatisants, les jump-scares, parce qu’ils sont assez rares et jamais gratuits provoquent de la tachycardie plus que de l’énervement. Si vous avez le matos, n’hésitez pas, j’ai pas honte de le dire, prenez-le sur PS4, tant pis pour les frames par secondes, le 4K et le jeu à la manette.

Le but principal du jeu est de sauver Mia, la femme du héros. Sauf que rien n’est fait pour l’apprécier. Elle ressemble déjà à Ted Cruz avec une perruque et puis on a juste le droit à une petite intro niaise qui nous la présente et hop, c’est censé justifier les horreurs que subit Ethan. Pareil pour lui de toute façon, c’est un protagoniste semi-muet. Il fait quelques remarques parfois, mais elles sont complètement déconnectées de ce qui se passe à l’écran. Un membre humain démesuré vient attraper un truc «  Well, that was something ». Pareil pour les autres personnages, les Bakers, au-delà de Jack, n’ont pas d’intérêt, Marguerite est une vieille folle qui beugle, Lucas le fils est un psychopathe arnacho-rebello-punk cliché, Zoé la fille est une voix au téléphone.

C’est pire au niveau de l’histoire, je ne vais pas vous spoiler, surtout parce que ça serait extrêmement ennuyeux à lire, mais même si ce n’est pas du niveau de débilité des derniers Resident Evil, c’est tout de même fort idiot. Je passe aussi rapidement les incohérences, j’en ai déjà donné plein d’exemples. Si vous êtes le genre de personne qui hurle quand on ne peut pas ramasser cette magnifique hache à incendie au sol alors qu’on n’a qu’un opinel depuis le début ou que le fait que trois planches clouées à la va-vite à une fenêtre soit un obstacle insurmontable, vous allez vite vous briser les cordes vocales. Mais au final, parce qu’il est un FPS, on aurait presque oublié qu’on est en train de jouer à un jeu japonais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

t%C3%A9l%C3%A9charg%C3%A9 20

 

Et les jeux japonais ne sont pas connus pour leur grande logique ou leur sobriété. Plus encore, cette absurdité est un des éléments qui font que la série des Resident Evil est fun à jouer. On s’en fiche des incohérences, le niveau de suspension consentie d’incrédulité est extrêmement haut ici. Il faut accepter le fait que l’histoire soit stupide, que les réactions des personnages n’aient aucun sens, pour comprendre que tout ça fonctionne dans la sphère un peu spéciale du monde du jeu vidéo japonais. Alors certes Resident Evil est une des séries les plus occidentalisées de l’archipel, mais on est loin d’un titre AAA sérieux et réaliste. C’est plus difficile que d’habitude, parce que là où avant on était en train de voir toutes ses idioties se dérouler à la troisième personne, Resident Evil 7 est un FPS, un genre plus immersif où il faut au moins croire en ce que fait le héros pour ne pas sortir du jeu.

Torture, j’écris ton nom. Sur mon bras. Avec un compas.

Au final, qu’est-ce qui change vraiment avec ce point de vue à la première personne ? Je l’ai dit, les combats ressemblent aux jeux précédents, et on a seulement l’impression de jouer à une version FPS de Resident Evil premier du nom. Strafer ne sert à rien dans ce monde de couloirs, les ennemis ne sont pour la plupart pas assez rapides pour demander une grande maîtrise de la visée. Les développeurs ont même gardé une touche pour faire demi-tour (sans doute à cause de la VR, voir l’encart). C’est bien sûr dans l’immersion que le point de vue à la première personne est un vrai plus. Certains passages très gores où Ethan se fait charcuter comme pas possible sont très dérangeants. Se faire tronçonner les intestins a un plus grand impact quand on le vit à la première personne et je suppose que des personnes moins désensibilisées au genre que moi peuvent vraiment avoir peur en jouant. En tout cas, si le jeu peut être terrifiant grâce à son ambiance et les moments où le joueur subit les envies de ses ennemis sadiques, il ne le sera pas grâce à ses mécaniques.

007c57 previewIl manque de tension en mode normal. Les munitions sont partout, les checkpoints très proches, les possibilités de sauvegardes manuelles nombreuses. Là où dans Alien Isolation les premières rencontres avec le Xenomorphe étaient traumatisantes parce qu’il pouvait nous vaincre en un seul coup et qu’on avait rien pour se défendre, quand on sait qu’il faut vraiment faire exprès pour se faire tuer par Jack ou se faire repérer par Marguerite, la peur disparaît et les adversaires ne sont plus que des obstacles gênants. Bien sûr, beaucoup de ces problèmes s’évanouissent en mode Madhouse, mais comme je l’ai dit, à part si vous avez précommandé le jeu, il faut d’abord le faire une fois en mode normal et un deuxième run désamorce quand même énormément de la tension inhérente à la découverte de l’horreur.

Bienvenue à la maison des fous
D’habitude on a le choix au début entre facile, normal et difficile. Capcom fait lui avec Resident Evil 7 dans le facile, normal, et finis le jeu une fois et tu as accès à «  bordel j’arrive pas a passer la première section », le mode madhouse. C’est ici que le jeu brille. Plus de checkpoints ou presque, chaque sauvegarde nécessite une cassette, disponible en quantités limitées. Les ennemis sont plus nombreux et plus agressifs, les placements d’objets sont plus retors. Refaire le jeu vaut le coup. De toute façon c’est un Resident Evil, vous débloquez plein de petits bonus en le finissant de diverses façons.

Le problème principal de Resident Evil 7 est qu’il a le cul entre deux chaises. Il essaye d’être un Resident Evil old school version FPS, mais il ne va pas assez loin, il n’y a pas assez d’ennemis différents (même pas d’alligators alors qu’on est quand même dans le bayou), il y a trop de ressources, on peut facilement se débarrasser de tous les ennemis, ce qui fait que les aller retour nécessaires à la gestion de son inventaire n’ont pas de conséquence au-delà du temps perdu. L’ambiance même à un goût de jeu d’horreur moderne, de jeu pour youtubeur hurlant. C’est l’autre versant de Resident Evil 7, un jeu qui ressemble à un Outlast ou Amnesia, pour citer deux exemples parmi les plus réussis du genre. Il aurait pu être le meilleur de tous, un Alien Isolation avec une atmosphère massacre à la tronçonneuse, nous faire affronter un Jack immortel pendant six ou sept heures (le temps qu’il m’a fallu pour le finir, sans me presser), utiliser nos ressources pour le repousser sans jamais le vaincre. À la place Resident Evil 7 essaye de faire un peu des deux, retour aux sources et FPS d’horreur un peu trop cliché, et si l’expérience est loin d’être désagréable, surtout si on aime les premiers de la série, on a l’impression une fois qu’on regarde la scène de fin de n’avoir fait que survoler un jeu très réussi à bien des égards, mais qui n’est qu’une mixture affadie par trop d’ingrédients jamais en quantité suffisante pour donner un goût précis à l’ensemble.

 

 

Une troisième vie pour la série

Resident Evil 7 sait être brillant parfois et je regrette sincèrement de ne pas l’avoir fait en VR et en mode Madhouse dès le début. C’est sans doute la première fois de ma vie que je vais dire ça, mais la façon idéale de jouer ici c’est après l’avoir précommandé, avec un accessoire à 400 €, sur console. C’est un peu triste au final, voilà la killer app qui aurait pu faire vendre des tas de Vive et d’Occulus, ce qui aurait vraiment lancé le marché VR PC. On va devoir encore patienter un an avant de pouvoir le faire de façon optimale sur nos machines. En attendant, il vaut quand même le coup pour lui même, surtout dans son premier tiers, mais attendez-vous à le faire au moins deux fois pour vraiment en profiter.

 

 

Le jeu est toujours disponible chez Gamesplanet UK pour 37€50.

Article précédentPas de nouveau Deus Ex avant (très) longtemps
Article suivantDes textures HD arrivent sur Fallout 4