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Dans La Suggestion de la Semaine, on fourre notre bras au fond du tiroir de la rédaction pour vous conseiller des bidules et des machins susceptibles d’attiser votre curiosité et de vous donner de quoi avoir l’air intéressant devant vos amis à l’apéro.

Jeux, films, documentaires ou œuvres plus obscures, c’est ici qu’on pourra se permettre de parler d’autre chose que des FPS, en attendant la nouvelle version du site où on fera des vidéos commentées sur les jeux Nintendo et où Squeezie sera invité dans nos locaux pour inaugurer notre rachat par Bolloré®.

Transmetropolitan est un comic-book écrit par Warren Ellis et illustré par Darick Robertson, édité chez DC Comics (dans la collection Helix, puis chez Vertigo) entre 1997 et 2002. Il raconte l’histoire de Spider Jerusalem, un journaliste dans un futur dystopique, obsédé par la vérité, qui plutôt que de patiemment observer les événements pour les relater avec une objectivité propre, explose les puissants à coups de chaises pour écrire avec son sang et leurs tripes les rouages dégueulasses de la société qu’il hait. Spider Jerusalem est un Hunter S. Thompson du futur : autodestructeur, drôle, junkie, alcoolique et violent. Je me suis amusé à relire tous les tomes à la lumière de l’élection de Trump et même si c’est la quatrième fois que j’ingurgite les 60 chapitres, j’en suis toujours autant ravi.

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Hunter S. Thompson est surtout connu du grand public pour être l’auteur de Las Vegas Parano (Fear And Loathing In Las Vegas), adapté en un film qui a marqué l’esprit de beaucoup d’entre nous. On y retrouve toutes les caractéristiques du journalisme gonzo. Le mot principal pour décrire le genre est subjectif. Ici, on embrasse totalement le fait que le regard humain aura toujours une influence sur les articles d’un journaliste et on écrit à la première personne, on se met en scène dans la situation qu’on veut dépeindre (la plupart du temps parce qu’on l’a réellement vécue) et on écrit nos aventures, informant le lecteur, à travers notre regard, des travers de la société. Le journalisme gonzo est sarcastique, souvent très amusant et plutôt vulgaire, il privilégie le stream of consciousness et la spontanéité plutôt que l’article clair et édité.

Transmetropolitan commence (en français, mais la VO est plus agréable) comme ça : « En haut d’une putain de montagne : voilà que cet ignorant de baiseur de putes d’éditeur de mes deux m’appelle et me dit : le mot contrat, ça te dit quelque chose[… » Spider Jerusalem, journaliste qui vit quasiment en ermite dans sa maison depuis cinq ans, est condamné à produire deux livres. Il doit sortir de sa retraite pour retourner en ville, reprendre son activité en s’enfonçant bien profond dans les couches insalubres de l’humanité, histoire d’en sortir l’essence de ce qu’il écrit. Il va écrire sur la politique, la manipulation et la stupidité, les médias et la mode, il va écrire sur ce monde à la morale complètement transformée par la technologie. Bien sûr, comme dans toute bonne SF, à travers ce futur qu’on a qualifié de postcyberpunk, on retrouve amplifiés des problèmes contemporains (comme je l’ai dit, relire cette BD vieille de 20 ans à l’aune du Trumpisme est assez amusant). Mais elle est bien plus qu’une critique réussie de notre société.

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Au-delà d’être bien écrit, intelligent et fin, Transmetropolitan est un comic-book très inventif. L’auteur, Warren Ellis (qui a aussi créé Planetary et The Autority, deux autres BDs que je recommande chaudement) est un amateur de transhumanisme et ça se ressent énormément dans ce qu’il écrit. On a des transités, un groupe entre l’humain et l’alien, qui réclament leur droit à changer d’espèces ; des gens qui se font changer en nuage de nanomachines ; des lieux où la recherche n’a aucune barrière morale et où les humains testent tout ce qu’il est possible de tester. Les hommes de l’univers de Transmetropolitan sont hyper connectés, la religion est un chaos sans nom, la télévision, la publicité et la consommation ont muté hors de toute mesure. Il y a du pollen informatif, des faiseurs moléculaires shootés aux hallucinogènes pour IA et des chats à deux visages. Il est impossible de faire la liste ici de toutes les trouvailles de l’auteur, mais le comic-book vaut le coup rien que pour sa description du futur, qui, parce qu’elle est constamment chaotique et folle, reste cohérente dans sa multitude d’inventions.

Transmetropolitan vaut aussi le coup parce qu’il est drôle et violent. Spider Jerusalem jure comme un charretier et n’hésite pas à dégainer son arme favorite, l’agitateur d’intestins, pour se défendre contre les divers ennemis, nouveaux ou anciens, qui lui barrent la route sur le chemin vers la vérité. Il montre ses couilles en disant « lis mes putains d’écriture » à un chantre de l’église de la trépanation sacrée, mange des yeux de caribous en regardant l’émission pour enfants « sex puppets ». Tout ce bordel vulgaire et sanglant est parfaitement dessiné par Darick Robertson (qui a aussi officié sur l’excellente série The Boys). Ça fourmille de détails, chaque page est un régal et la mise en scène est toujours réussie.

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Je ne sais pas si la plupart des gens pensent que les comics sont synonymes de super héros et s’ils fuient le média à cause de ça. Transmetropolitan est tout sauf une BD vertueuse ou gentille, elle est sale et elle pue, comme son héros, comme nous, et c’est ce genre d’œuvres intemporelles qu’on retrouvera peut-être un jour, comme on le fait aujourd’hui avec Le Meilleur des Mondes, en disant : l’auteur avait tout prédit. Ça fout un peu les boules si vous voulez savoir.

Le premier tome en français (sur 6).
Le premier tome en anglais (sur 10)(recommandé pour ceux qui peuvent).

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