Une fois de plus, l’équipe de NoFrag se rend en territoire allemand pour célébrer le jeu vidéo durant la Gamescom. Sauf que cette année, on vous embarque avec nous. Chaque jour, nous publierons un article comme celui-ci, parfaitement inutile et dénué de toute information concrète. Et le plus beau dans ce Journal de Bord, c’est que nous avons même pu engager un photographe professionnel pour vous faire vivre cette semaine au plus proche de vos journalistes de terrain préférés. Les clichés ont été pris avec un EOS 5D de contrefaçon coréenne, certainement fabriqué par des enfants tibétains en bas âge.
Réveil matin sept heures. Petit-déjeuner forcé à base de Geflügelsandwich d’un côté, injection en intraveineuse de caféine de l’autre. Les deux mercenaires de la Gamescom sautent l’étape de la douche et ingurgitent machinalement les derniers préparatifs avant d’entamer leur montée vers le centre d’exposition. Tout est opérationnel.
[–SUITE–]8 heures : Gamescom – Round 2
Aujourd’hui, le trajet a une saveur particulière. Il n’est plus question de traîner les pieds pendant trente minutes pour aller essayer des jeux dont tout le monde se fiche. Étranges crises de fou rire et enthousiasme déconcertant animent ce début de journée. Kip regarde sa montre, il est un peu plus de huit heures et des milliers de personnes sont déjà parquées comme du bétail devant les portiques de sécurité.
Le zoo du jeu vidéo
Rapidement, les circonstances contraignent Kip et Noddus à se séparer après avoir pu entrer sur le salon. Kip va s’essayer à la réalité virtuelle en laissant son acolyte s’infliger le reste des démonstrations prévues. Dans tous les cas, ils prévoient de se rejoindre juste après pour discuter de tout ça.
En retard, Noddus attaque donc son premier rendez-vous. Quelque chose ne tourne pas rond. La disposition des tables n’est pas la même que la veille, leur couleur a changé. Les minutes s’allongent considérablement. L’atmosphère s’alourdit et les journalistes semblent s’agiter sur leurs fauteuils en cuir.
Seules trente minutes ont passé et déjà, la Gamescom a pris une toute autre tournure. Les halls se suivent et se ressemblent. Serpentant dans les allées labyrinthiques de la Gamescom au milieu d’hommes d’affaire qui courent après leur prochain rancard, Noddus s’aperçoit que Kip n’a répondu à aucun de ses quatre derniers messages. Impossible de le retrouver, la panique s’installe : Kip avait gardé le paquet de cigarettes sur lui.
Noddus l’ignore encore, mais son partenaire s’est enfourné dans les halls publics parmi les dizaines de milliers de visiteurs qu’ils renferment. L’endroit est sombre, la musique y vomit ses notes déchirées à travers des enceintes géantes saturées d’aigus et des showmen scandent avec hargne des slogans en allemand. La foule est en liesse. Les files d’attente, gigantesques et étriquées, sont remplies de personnes renfrognées sur elles-même, coincées dans un univers de promiscuité malsaine. Leur corps et leurs visages s’entremêlent de façon morbide pour former un tas de chair humaine difforme. Les regards luisent dans la pénombre, un éclat de folie dans la pupille et le goût amer du sang dans la bouche. Certains corps tordus gisent à même le sol, attendant qu’on leur assène le coup final. La musique continue et on entend au loin une vague fantomatique de clameurs inhumaines aux sonorités dérangeantes, chaotiques, perverses : les showmen viennent de lancer des T-shirts de Mafia 3 dans la foule. C’est la ruée meurtrière. C’est un carnage. Dans ce teknival maléfique du jeu vidéo, le monde est en pleine putréfaction.
L’air commence à se raréfier, les plus faibles tombent comme des mouches
Une heure s’écoule, un trou dans le planning pousse Noddus (toujours en quête de son acolyte) à se rediriger fébrilement vers les toilettes pour se rafraîchir un peu après le sixième appel téléphonique infructueux. Une vague silhouette attire toutefois son attention. Il s’approche et l’aperçoit, planté là : c’était Kip. Lunettes de soleil vissées sur la tête, tentant vainement de se décrisper alors qu’une masseuse s’acharne sur lui depuis plus de dix minutes. Quelques craquements d’os et quinze euros plus tard, Kip émerge et retrouve Noddus pour se mouvoir jusqu’aux prochains rendez-vous.
Kip en pleine délectation. Il n’est plus là. La Gamescom n’existe plus.
11 heures 30 : A New Warrior Has Entered the Ring
Assister aux sessions de jeu est particulièrement difficile. Les conversations s’allongent, des questions jaillissent de toutes parts, des associations fulgurantes se créent. Chaque minute de jeu gagne en intensité. Kip et Noddus sont téléportés dans tous les univers qu’ils visitent et oublient la ferveur de la Gamescom. Deux heures s’envolent.
“J’ai faim”. “J’ai soif”. “J’ai chaud”. “J’ai peur”. La Grand Messe du jeu vidéo est maintenant devenue devenue un enfer. Des filles déguisées en elfes mangent des pains au chocolat dans l’herbe tandis qu’une horde de zombie converge vers la lumière. Les parents venus accompagner leurs enfants supplient du regard toutes les personnes qu’ils croisent. La montre de Kip affiche maintenant une heure de plus.
NoFrag, seul ilot de lumière au milieu de cet enfer allemand
Désespérément en quête d’un endroit où s’asseoir, Kip et Noddus accélèrent le pas. Seuls quelques mètres les séparent de la sortie. Tout à coup, quelqu’un s’exclame : “Ah tiens, vous êtes là ! On n’aurait pas rendez-vous ensemble ?”. Kip remet le paquet de cigarettes dans sa poche alors que le groupe fait demi-tour en direction d’une étroite salle. Sans trop savoir comment, Kip s’est retrouvé entre deux chaises, capteurs en main et Playstation VR devant les yeux. Il a enfilé le costume de Batman et s’agite dans les rues de Gotham. Trois quarts d’heure plus tard (sur une démo prévue pour durer vingt minutes), Kip redécouvre la réalité. Nouveau détour par une autre démo, qui les transporte cette fois-ci dans une arène de sport virtuelle. A la base, il était juste question de prendre une petite pause.
Kip, perdu dans Batman Arkham VR. Il en ressortira quelques années plus tard.
Les démonstrations sont terminées et l’équipe les redirige vers la sortie. Convaincu qu’il est un représentant haut placé de Sony, Kip discute alors avec un commercial venu lui distribuer une brochure. Dans un éclair de lucidité, il réalise que poursuivre cette discussion dans le stand officiel de la firme est peut-être une mauvaise idée. Dans une excuse à base de “conférence de presse” et de “mon vol pour New York décolle bientôt”, les deux compères s’évadent du hall.
18 heures : Game Over
Rattrapés par le temps, Kip et Noddus s’aperçoivent que la journée est déjà terminée. Pourtant, ils ont l’impression de ne l’avoir pas vue passer. La pression retombe, mais la fatigue commence à se faire ressentir et il reste encore deux rendez-vous – le moment parfait pour que Noddus aille essayer le prochain South Park alors que Kip part exterminer du Genestealer. “Allez Kip, tu verras. Dans deux petites heures on rentre”.
Évidemment, il mentait. Mais qu’importe : la journée est enfin terminée. Il est temps d’allumer la première cigarette de la journée et de souffler un peu. De manger, aussi. Et d’écrire, peut-être. Puis de – oh, il est déjà minuit.
