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Tout débute à l’époque où Crysis fait les gros titres : les FPS sur PC ont le vent en poupe et Ubisoft veut sa part du gâteau, mais ses développeurs ont un peu perdu la main. Ils se fixent alors pour objectif de remonter la pente et placent la barre très haut en choisissant de faire la suite de l’un des meilleurs FPS solo jamais sorti : Far Cry. Pour redorer l’image de la licence salie par une multitude de suites simplistes sur consoles, ils décident de faire table rase du passé ce qui explique pourquoi Far Cry 2 n’a plus rien à voir avec Far Cry.

Quelques années plus tard, alors que les meilleurs FPS sur consoles se vendent à plusieurs millions d’exemplaires, Crysis arrive en magasin et ne réussit pas à obtenir le succès commercial escompté. Ubisoft décide de changer de cap en faisant de Far Cry 2 un FPS destiné aux consoles. Le produit final est à mi-chemin du FPS conçu pour les joueurs PC ultra-exigeants et du jeu sur console accessible au grand public: un étrange bâtard bourré d’innovations, de défauts et de contradictions. [–SUITE–]

Rond comme un ballon et plus jaune qu’un citron…

La campagne solo de Far Cry 2 est divisée en deux parties. Chacune d’entre elle se déroule sur une aire de 5Km de côté. Pour vous donner un ordre d’idée, les grandes cartes de Crysis mesurent 4Km de côté.

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La première des deux cartes

Au centre se situe le village abritant les QG des deux factions en guerre qui distribuent les missions principales. Ces dernières se déroulent dans des résidences, des usines et des villages répartis un peu partout. On se déplace d’une mission à une autre à travers un entrelac de routes et de rivières (délimitées par des montagnes infranchissables) où errent des patrouilles d’ennemis. A chaque intersection, environ tous les 250m, se trouvent des postes de gardes qui servent à pimenter les trajets.

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En fait la carte de Far Cry 2 est similaire à un niveau de Pacman

Répétitif et linéaire

Far Cry 2 propose trois activités :

  1. Explorer la carte et utiliser le détecteur de pierres précieuses (?!) pour trouver les 100 valises de diamants abandonnées. Répétitif, mais optionnel.
  2. « Farmer » en acceptant des missions d’assassinat pour gagner de l’argent et débloquer des armes. Il y en a une quarantaine, mais elles sont toutes identiques. C’est lassant, mais facultatif.
  3. Suivre la campagne principale :
    • Accepter une mission en ville.
    • Aller à l’objectif en éliminant les ennemis se trouvant sur le chemin.
    • Se battre contre une vingtaine de gars.
    • Retourner en ville en éliminant les ennemis qui sont réapparus entre temps.
    • Et ainsi de suite durant une trentaine de missions.

On peut choisir de travailler pour l’une ou l’autre des deux factions, mais malheureusement il n’y a aucun système de réputation. Quoiqu’on fasse, on se fait tirer dessus par tout le monde et les missions aboutissent au même résultat. Autrement dit, les choix n’ont aucune influence sur le gameplay. A partir de là, on se demande quel est l’importance de ces choix et on finit par accepter les missions au hasard.

Si on se contente de suivre la campagne principale, le jeu peut se boucle en 8-12 heures, mais il suffit de chercher quelques diamants, de réaliser une poignée de missions secondaires et de se promener pour doubler la durée de vie. Tout comme dans Stalker, il est possible de jouer quarante heures avant d’arriver à la fin.

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Un FPS consolisé

Si vous jouez sur PC depuis un bout de temps, attendez-vous à un choc en lançant Far Cry 2. Tout y a été pensé pour qu’un débutant jouant au gamepad puisse s’en sortir sans heurt : les mouvements sont lents, les véhicules ne dérapent pas, les armes ont peu de recul, les objets au sol clignotent pour indiquer leur présence, le champ de vision est fixé à 70° même sur un écran large et ainsi de suite.

Far Cry 2 est affublé de tous les travers qu’on associe généralement aux FPS sur consoles : on a l’impression d’être pris pour un débile mental doté de deux mains gauches. Il faut bien trois ou quatre heures pour s’y habituer et passer outre ces défauts avant de commencer à apprécier le jeu dont l’intérêt tourne essentiellement autour de deux axes : l’exploration et l’expérimentation.

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Petits tracas liés aux voyages en Afrique

Dans Far Cry 2, on passe la plupart du temps sur les routes à aller d’un endroit à un autre. La distance de visibilité est trop faible pour faire honneur aux paysages grandioses de l’Afrique, les environnements sont un peu répétitifs, mais on réussit tout de même à dénicher quelques endroits aux allures de carte postale. Le plaisir contemplatif est rare, mais on se surprend parfois à s’arrêter au le bord de la route pour admirer le spectacle… Et en général, deux secondes plus tard une patrouille sortie de nulle part déboule en jeep et vous tire dessus sans raison.

Malheureusement, il est impossible d’explorer les cartes tranquillement, car entre les patrouilles aléatoires et les gardes qui réapparaissent indéfiniment aux mêmes endroits, il ne se passe pas une minute sans qu’on soit obligé de participer à un combat contre deux ou trois types. Très rapidement, le plaisir lié à l’exploration peut devenir un véritable calvaire où l’on doit affronter encore et toujours les mêmes ennemis.

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Allo, grand-mère ?

Le deuxième frein à l’immersion vient de la GUI envahissante. D’un côté Ubisoft a fait d’énormes efforts sur la végétation, la propagation du feu, le cycle du jour et de la nuit, la météo, le HUD et le body awareness afin de rendre le jeu crédible et immersif, mais de l’autre ils ont saboté leur travail en utilisant des artifices grossiers qui nous rappellent sans cesse que nous sommes dans un jeu vidéo. Quelques exemples parmi tant d’autres :

  • Les pancartes qui changent de couleur afin d’indiquer la position de l’objectif.
  • Les objets qui clignotent pour vous permettre de les repérer.
  • Les valises de diamants abandonnées à des endroits invraisemblables.
  • Les messages affichés en plein milieu de l’écran pour vous annoncer que vous venez de gagner un point de réputation.
  • Etc.

Des « détails » dans le genre, vous en rencontrerez toutes les deux minutes. Du point de vue de l’immersion, ça fait à peu prêt le même effet que de recevoir un coup de fil de votre grand-mère pendant que vous regardez un film porno.

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Châteaux de sable

Pour les combats, Ubisoft s’est plus concentré sur l’environnement que sur le joueur. L’agilité du personnage est très réduite car il ne peut ni se pencher ni s’allonger. Par contre, l’environnement est bourré d’éléments interactifs.

Le gameplay ne consiste donc pas à mouvoir le héros pour obtenir un avantage grâce à sa couverture et son angle de tir, mais à manipuler l’environnement et les ennemis. C’est tout l’inverse d’un jeu comme Crysis où le gameplay est concentré sur le personnage dont la combinaison lui offre une grande richesse de mouvements.

En conséquence, si vous jouez à Far Cry 2 comme à un FPS classique, ce que vous ferez certainement durant les premières heures, vous n’allez pas aimer. L’IA, les armes, les déplacements et le level design ne sont pas conçus pour que chaque bataille soit un nouveau défi : c’est même l’inverse. Tous les combats proposent quasiment la même situation. C’est à vous de modifier votre approche si vous ne voulez pas que le gameplay devienne répétitif : essayez différentes armes, testez la propagation du feu, tentez de vous infiltrer, faites exploser les caisses de munitions, exploitez les comportements de l’IA, etc.

Le côté viscéral et brutal des combats est médiocre, essentiellement à cause des armes qui font trop peu de dommages et des ennemis qui trichent en voyant à travers la végétation alors que le champ de vision du héros est limité à 70°, mais l’environnement ouvert permet en revanche de nombreuses expérimentations. C’est peut-être pour ces raisons que les avis sur Far Cry 2 sont si partagés : tout le plaisir que vous pouvez tirer du gameplay dépend de la façon dont vous l’abordez. Plus vous jouez, plus vous comprenez comment vous amuser et plus vous avez de chance de commencer à apprécier le jeu.

Pour bien comprendre, imaginez que Far Cry 2 soit un simulateur de bac à sable et qu’à la place des combats vous deviez construire des châteaux de sable. Si vous utilisez toujours le gros seau pour faire votre pâté, bien que ce soit une méthode très efficace, vous allez vite vous ennuyer. Par contre, si vous utilisez le râteau, la pelle et que vous vous amusez à creuser des petites douves autour de vos château pour les remplir d’eau, vous mettrez plus de temps pour terminer le jeu, mais ce sera nettement plus amusant.

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Alors, c’est bien ?

Far Cry 2 est loin d’être parfait. Il est même bourré de défauts sur lesquels nous aurions pu nous appesantir pour le descendre en flamme : la mollesse des combats, les faiblesses de l’IA, la médiocrité du scénario, le gameplay répétitif, la liste est longue. Mais malgré ça, il n’en reste pas moins une expérience de jeu intéressante et peu commune dont l’intérêt dépend essentiellement de votre curiosité et de votre faculté à vous amuser en faisant joujou avec l’environnement.

Tout ce qu’on souhaite à présent, c’est qu’Ubisoft ait conscience des failles du gameplay et nous concocte un Far Cry 3 corrigeant tous ses défauts. Il y a du boulot, mais s’ils s’en donnent les moyens et qu’ils ont la volonté d’aller de l’avant, ils pourraient bien réussir à sortir une nouvelle référence en matière de FPS. En attendant, est-ce que c’est bien ? Bof…

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